Savoir-Pouvoir, jour 1

Et si nous n’avions pas besoin d’étiquettes pour changer le monde ? 

Lors de la première session de Savoir Pouvoir, dans un même lieu : 

Des militantes expérimentées, des élues, des femmes investies dans le milieu associatif. 

D’autres sans engagement préalable, venues avec le désir de comprendre

Des femmes nées et élevées en France, d’autres arrivées d’ailleurs à différents moments de leur vie. 

Certaines ont dû faire face à des démarches longues et complexes pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française, d’autres non.

Âgées de 18 à 65 ans. Diplômées ou non. 

Certaines ont toujours connu l’aisance matérielle, d’autres la précarité économique. 

Certaines se disent fièrement féministes, d’autres restent prudentes avec ce concept. 

Pour certaines, être “noire” est une part de leur identité ; pour d’autres, une simple caractéristique physique — comme être grande ou petite — refusant l’assignation. 

Des femmes voilées, d’autres non. 

Des athées, des croyantes. 

Des mères, et des non-mères. 

Et pourtant, nous nous sommes reconnues dans nos moments de bascule, dans nos valeurs. 

À la fois différentes et semblables. 

Ce que nous avons partagé allait au-delà des mots, sans avoir à se lancer dans des explications laborieuses. 

L’idéal républicain et laïc, en action. 

Nasteho Aden a raconté son passage des cercles militants aux espaces institutionnels. 

Ce que cela exige, ce que cela coûte, ce que cela ouvre. 

Elle nous a montré qu’on peut entrer en politique sans renier ses convictions. 

L’après-midi, Tsippora Sidibé nous a transmis les clés du community organizing

Comment s’organiser, comment mobiliser, depuis nos réalités. 

Dense. Concret. Transformateur. 

Grâce à Savoir Pouvoir, j’ai vu ces femmes que la société oppose trop souvent faire place les unes aux autres — sans se juger. 

Au-delà des croyances, des parcours, circulait quelque chose d’essentiel : la puissance du collectif. Ensemble, nous avons fait de nos trajectoires une matière vive, une force en mouvement. 

Quelques fils sur lesquels tirer, après cette première journée : 

La colère 

La figure de l’Angry Black Woman nous précède, à l’intersection du sexisme et du racisme. 

Or nos colères sont légitimes. 

Lorsqu’elles n’ont pas d’espace pour s’exprimer, elles se retournent contre nous, parfois jusqu’à nous rendre malades. 

Comment se réapproprier le droit d’exprimer sa colère ? 

Le privilège 

Avant d’être naturalisée, je considérais une jeune de banlieue comme privilégiée. 

Elle n’avait pas à affronter chaque année la violence administrative, l’insécurité du séjour, le regard suspicieux des guichets. 

Mais de son point de vue, j’étais peut-être la privilégiée : étudiante dans une filière élitiste, avec un certain confort matériel. 

Le privilège n’est pas une ligne fixe. Elle se déplace selon l’endroit d’où l’on parle. 

Voile ou pas voile ? 

Même au sein de nos communautés, ce choix reste mal compris. 

Souvent réduit à des lectures extérieures — religieuses, politiques, identitaires — qui ignorent la complexité des trajectoires individuelles. 

Arabité et islam 

L’amalgame entre arabité et islam est fréquent, même dans nos communautés. 

Les histoires des Kabyles, des Peuls ou des Somalis rappellent la diversité des appartenances — des récits à mieux faire connaître. 

Violence systémique 

Celle qui s’exerce sur les corps et les psychés racisés — aujourd’hui encore. 

Mais aussi celle que nous avons, parfois, fini par intérioriser. 

Comment a-t-elle été transmise ? Comment a-t-elle été normalisée ? 

Comment la sublimer tout en la combattant ? 

Noir. Blanc.

Je suis devenue Noire en arrivant en France. 

Pour moi, un Portugais, un Russe, un Français étaient tous “blancs”. 

Ma famille d’accueil était d’ascendance portugaise. C’est là que j’ai été confrontée, pour la première fois, aux représentations parfois violentes portées sur les femmes africaines. Longtemps, j’ai perçu les personnes maghrébines comme “presque blanches”, ayant été traitée de kahlouch sans comprendre, au départ, que c’était une insulte. Or, en écoutant certaines participantes, nées et élevées ici, j’ai compris que leur camarade tchétchène ou portugais n’était pas tout à fait “blanc” à leurs yeux.  

Cela me semble révélateur : nous ne partageons pas toutes la même vision de la “noirité”, ni de la “blanchité” — même entre personnes racisées. 

Cela mérite que nous nous y attardions. 

Tant Que Je Serai Noire et son école populaire, c’est cela : un espace pour construire une connaissance de soi — et des communautés afro-descendantes — en accueillant la complexité née de la diversité des parcours, des vécus et des aspirations. 

Un cadre pour retrouver sa puissance d’agir sur le monde, pas simplement dans le monde.

Penser. Questionner. Dire. Transmettre. Faire. Agir. 

Avec ou sans étiquette — mais toujours dans le respect. 

Les discriminations sexistes, racistes, classistes fissurent l’intime conviction d’avoir prise sur sa propre vie. 

C’est cela que nous avons l’ambition de réparer : la liberté de choisir, en conscience, pour soi, et parmi les autres. 

Car renouer avec le sentiment d’être légitime à exister et à décider, c’est faire bouger le monde autour de soi. 

Inscrivez-vous également, pour rejoindre cette aventure de connaissances et de pouvoir.

Cynthia

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