Ma famille à moi
Hello,
J’espère que tu vas bien et que ces périodes de fêtes n’ont pas été trop désagréables pour toi. J’ose même espérer qu’elles se sont bien passées. Pour moi, ces fêtes étaient particulières. Je les ai passées loin de ma famille, de mon père, ma mère, mes sœurs, mes cousins et cousines. Ils m’ont manqué parce que ça fait deux ans qu’on a pas été tous.tes réuni.e.s. Je me suis rappelée des festivités lorsque j’étais à la maison, je me suis rappelée de la décoration de la maison avec mon père, rare moment de complicité avec lui. Je me suis rappelée des courses avec ma mère, les tours chez la couturière, chez la coiffeuse, au marché. Je me suis rappelée aussi de la réception à la maison le jour de Noël, du voyage en famille et avec des amis pour le Nouvel An. Je me suis rappelée de toute l’ambiance des fêtes, de la musique et des cadeaux. Et je suis super nostalgique.
J’aurais aimé y retourner cette année. Pour voir tout le monde, et aussi pour profiter de toute l’ambiance à Cotonou en ce moment. J’aurais voulu rentrer pour bien manger, profiter de la chaleur et du soleil, loin de Paris et de la grisaille, me reposer… Mais est-ce que je me serais vraiment reposée ? Avec la famille que j’ai, ça aurait été un peu plus compliqué que ça.
Bien sûr, j’aurais été très contente de voir mes proches, on m’aurait bien nourrie et choyée. Mais émotionnellement, je ne suis pas sûre que ça aurait été une expérience parfaite. Ma relation avec mes parents, et plus particulièrement mon père, n’est pas ce qu’on décrirait comme idéale. La dernière fois que je suis rentrée, j’y suis allée avec beaucoup d’attentes et d’enthousiasme, et je suis revenue en France cassée, et avec le cœur brisé parce que j’avais encore l’impression d’abandonner mes petites sœurs. Ayant vécu loin pendant un moment et ayant presque oublié les dynamiques familiales et leur impact sur moi, j’ai vraiment été choquée d’y être replongée d’un coup. Par ailleurs, malheureusement, je ne me sens plus totalement à la maison dans la maison de mes parents. J’ai d’abord pensé que c’est parce que je vis maintenant en France et que j’ai mon propre espace que je considère comme mon chez moi. Deux ans et quelques mois de thérapie plus tard, je sais que c’est parce que je ne me suis jamais sentie totalement émotionnellement en sécurité dans cette maison. Les disputes incessantes des parents, la violence physique et verbale, l’invalidation systématique des sentiments et des besoins des enfants, les réunions de famille qui n’étaient en fait que des procès, l’atmosphère qui n’était au final jamais légère et agréable… Être physiquement là-bas me donne l’impression d’avoir à nouveau 16 ans et tout ça ne m’a pas manqué.
Aujourd’hui, même si j’ai très envie de rentrer voir ma famille et profiter de mon pays régulièrement, j’ai toujours beaucoup d’appréhensions. Je me demande si ça vaut la peine de mettre en danger le fragile équilibre mental et émotionnel que j’ai pour quelques moments agréables passés sur ma terre natale. C’est un choix difficile à faire et plus je m’obstine à ne pas y aller, plus j’ai l’impression de manquer quelque chose, de ne pas profiter assez de mon privilège d’avoir une famille.
J’aurais préféré que tout soit beaucoup plus simple et que je ne sois remplie que d’enthousiasme et de joie quand je pense à repartir chez moi. Mais j’imagine que j’ai besoin de plus de thérapie. Quoiqu’il en soit, je suis bien contente d’avoir passé les fêtes avec mon partenaire. Et je peux le dire, je suis reconnaissante d’être aujourd’hui dans un environnement où je ne me sens pas “triggered” toutes les 20 secondes. J’aurais juste voulu avoir ça avec mon partenaire et avoir ça avec ma famille, comme certaines personnes que je connais ou que je vois sur internet.
C’est ce qui me fait dire que je n’ai pas encore fait le deuil de la famille dont j’aurais rêvé. Ne vous méprenez pas, je réalise que j’ai une famille et que dans ce monde, c’est précieux et inestimable. Mais c’est juste ce que je ressens.
J’arrête cet article ici et je vous souhaite une excellente année 2025. A la prochaine. Bisous.
Jawu M.