Mais qui sont les sœurs de familles ?
À l'approche la célébration mondialement institutionnalisée qu’est la fête des mères ; je pense à cette version de moi en tant que sœur de famille. Cet article n’est pas synonyme d’une anti-fête des mères mais bien une extension de la gratitude de celle-ci envers toutes les sœurs de famille qui participent grandement au fonctionnement de celle-ci.
Mais qui sont les sœurs de famille ? Ce sont des jeunes filles, des sœurs aînées, cadettes et benjamines qui portent des rôles d’adultes au sein de leurs familles ; que ce soit auprès de leurs parents, de leurs frères et sœurs et parfois même auprès de la famille plus élargie.
De nombreux articles et podcasts m'accompagnent sur le sujet. Cependant, une question rarement évoquée et un tant soi peu lancinante, me taraude l’esprit :
Peut-on véritablement ne plus être une sœur de famille quand on l’a été et à forteriori durant tant d’années ?
Ce qui découle de nouveaux questionnements pour la rédaction de cet article, Est-ce que mon article doit-être rédigé au passé ou au présent ?
Est-ce que ce rôle de Sœur de famille est réellement une ancienne version de moi ou bien suis-je toujours cette soeur-là ?
À chaque fête des mères, des membres de ma famille me la souhaitent. Tout comme les mères adoptives, les sœurs de famille sont la preuve que le soin, l’amour et la responsabilité ne se transmettent pas uniquement à travers une maternité biologique.
Lucille, jeune trentenaire, originaire du Cameroun l’illustre parfaitement dans ses propos dans le podcast De la mère à la femme et de la mère à la femme.
Nombreuses sont les civilisations, où c’est la fille aînée qui endosse le rôle de petite mère.
Dans mon cas de figure et probablement que c’est ce qui est encore plus difficile à “accepter”, quand bien même, je ne partage pas cette éducation qui repose sur le fait que ce soit à la fille aînée de se substituer aux rôles de parents et d’endosser toutes autres formes de responsabilités d’adultes.
Je ne suis ni la sœur aînée, ni l’aînée de ma fratrie ; mais la quatrième d’une fratrie de six enfants élevée par ses deux parents ! ai-je souvent clamé à qui voulait bien l’entendre dans les assises familiales de Paris à Yaoundé !
Alors oui, durant bien deux décennies, j'ai pleinement assumé ce rôle de petite grande sœur. Celle qui était apte à prendre des responsabilités, apte à fédérer, apte à proposer, apte à anticiper, apte à organiser, apte en tout et pour tout.
Celle que l’on sollicitait en permanence, celle qui rendait des services et avait toujours une solution, celle à qui l’on se confiait, celle que l’on écoutait, celle à qui l’on faisait confiance, celle qui se plaignait mais qui faisait tout de même, celle qui pensait d’abord aux autres avant de penser à elle ; en somme celle qui se sacrifiait. Le mot non faisait rarement partie de mon vocabulaire et quand c’était le cas il s’accompagnait d’un sentiment de culpabilité..
Malgré cette incompréhension et confusion des rôles j’ai grandi dans l’amour et l’affection de mes parents, notamment de ma mère avec qui j’ai eu une relation très fusionnelle, de ma naissance jusqu’au début de ma trentaine.
Par la suite, notre relation s’est dé-fusionné, suffisamment pour que je puisse davantage m’émanciper psychologiquement et émotionnellement de notre relation, qui reste pour autant proche.
Par ailleurs, elle a longtemps été ma confidente, l'assister dans la vie quotidienne durant mon enfance et mon adolescence à très probablement renforcer notre lien. D’autres paramètres viennent s’y ajouter, ils feront probablement l’objet d’une suite de cet article.
Je n’ai pas remplacé mes parents sur leur fonction d’autorité auprès de leurs enfants et je n’avais pas non plus l’ascendant sur mes deux frères et ma sœur aînée.
Je me suis toujours sentie sœur au sein de ma fratrie, mais vis-à-vis de mes parents, c’était différent. Un mélange étonnant entre se sentir être leur fille et un autre membre adulte de leur famille.
On peut dire que j’ai été une sorte de relais ; mais qui à mon sens auraient pu être, non pas attribués uniquement à la sœur aînée mais partagés à minima par les 3 aînés !
Quand bien même on m’a souvent répété durant mon adolescence et je dois l’avouer pas plus tard que le mois dernier Ma fille, l’aînée n’est pas forcément la ou le plus âgé de la fratrie !
Des responsabilités qui font grandir. J’étais une enfant et une adolescente débrouillarde. Pour la petite anecdote, à 12 ans je gagnais mes premiers sous en faisant des brocantes avec Mounina, ma meilleure amie. Nous empruntions, le temps d’une journée, un caddie de supermarchés pour transporter nos affaires et hop nous nous installions.
Ce rôle de sœur de famille m’a donné de l’assurance, de la reconnaissance, de la gratification et m’a aidé à m’affirmer en société et dans des espaces familiaux, amicaux et professionnels.
Les compétences acquises dans le milieu professionnel ont d’abord été expérimentées dans mon environnement familial !
Rigoureuse, persévérante avec sens de l’adaptation à toutes épreuves et une forte capacité à effectuer plusieurs missions en même temps. Ce n’est pas un hasard que je suis devenue Chef de projet humanitaire.
A posteriori, je compris bien plus tard que ne pas s’arrêter et viser la perfection ne sont pas des qualités mais des symptômes.
Née d’une mère féministe mais qui s’ignore, la valeur qui prime mon éducation est la liberté.
On pourrait penser que cela est paradoxal avec les privations et les sacrifices que m’ont coûté d’occuper ce rôle de Soeur de famille, mais finalement aurai-je pu faire autrement ?
À 17 ans, je deviens autonome financièrement avec des jobs étudiants, à 20 ans je me découvre un engouement pour le voyage, seule ou accompagnée peu m’importe je mets tout en œuvre.
Je poursuis les études et construit la carrière professionnelle que je souhaite.
En apparence tout va bien, j’ai la réputation d’une jeune femme indépendante, intelligente, dynamique et où tout semble lui réussir. Un avenir qui semble prometteur.
Il y a tout de même un chapitre de ma jeunesse que je regrette, celui de ne pas m’être assez investi à des projets artistiques ; mais très clairement l’espace mental n'étant pas libre, cela ne pouvait se formaliser suffisamment dans la matière.
En parlant (de privation) de liberté, même lorsque j’étais en déplacement, il m’arrivait de gérer des situations familiales. Être loin ou physiquement près de sa famille, les charges mentale, matérielle et émotionnelle restent les mêmes.
On ne voit pas physiquement les personnes, mais le téléphone et bien d’autres outils nous permettent d’être en communication constante, même à l’autre bout du monde.
La chute de mon règne. Je m’obstine à continuer d’avancer à contre-courant de mes propres besoins fondamentaux. Je m’épuise tellement ; si bien qu'à la fin de ma vingtaine, le rythme m’est insoutenable.
C’est donc sans transition, que mon corps que je n’écoutais plus depuis des années décide d’arrêter les notes de frais. Des signaux et des maladies se succèdent : embolie pulmonaire à 28 ans, hypertension artérielle à 33 ans, aménorrhée et fatigue chronique se manifestent de manière récurrente.
Avec le recul, je réalise aussi qu’il m’a été aussi difficile de construire une relation amoureuse sur du long terme, tant les obligations familiales prenaient de la place dans ma vie.
Le déclic arrive. De retour en France après une mission de 13 mois en République Démocratique du Congo, l’épidémie du COVID-21 survient.
Je me sens fatiguée de nager en mode survie et je veux délibérément toucher le fond de la piscine car je me sens capable de prendre appui pour remonter à la surface.
Je fais partie des personnes pour qui le confinement à été bénéfique. Je profite de l’accalmie de la pandémie pour engager un travail thérapeutique et holistique. Je pars de zéro mais je veux me comprendre et tout comprendre.
Je suis exténuée mais la motivation à m’en sortir prime sur la fatigue. C’est ainsi que je me fais suivre par une naturopathe et une coach en fertilité pour retrouver des cycles réguliers et amoindrir mes symptômes.
J’assiste à des groupes de parole, participe à des retraites, découvre des médecines douces et alternatives, je lis et j’apprends.
Deux ans plus tard, en 2023, je m’engage dans une thérapie en psychogénéalogie. Ma famille, de Paris à Yaoundé, est prévenue de mon projet qui très probablement bousculera la dynamique familiale.
Depuis bientôt 5 ans, je suis une nouvelle personne en pleine renaissance. Je suis enfin connectée à mes émotions. J’ai plus d’espaces mental pour me réaliser.
J’ai appris à me prioriser, à refuser, à décommander ou à décaler un service sans une once de culpabilité. Alors, est- ce que j’ai abandonné à 200% mon poste de Soeur de famille ? Finalement non, car j’ai moi aussi ma partition à jouer. Je fais partie de cette famille et ma présence, tout comme celles des autres, participe à son équilibre.
Et est-ce que tout roule comme sur des roulettes dans ma fratrie depuis ce nouveau fonctionnement ? C’est en bonne voie ! toute la fratrie produit de sérieux efforts et ce qui est encourageant pour la suite. Je les découvre dans de nouvelles prises d’initiatives ou de responsabilités.
Alors j’essaie tant bien que mal de faire preuve de tolérance à leurs égards. C’est en quelque sorte une passation de répartition de mes tâches ; à la seule différence que je ne leur dit pas comment faire car il n’y a pas qu’une seule façon d’être un frère ou une sœur proactif dans sa fratrie.
Sans compter que le facteur famille qui s’agrandit est également à prendre en compte car nous ne sommes plus uniquement entre nous.
Des belles-soeurs, beaux-frères, neveux et nièces agrandissent la famille depuis quelques années. Il était vraiment temps que je revois ma fiche de poste !
Récemment, je suivais une vidéo où un homme disait qu’Être l’aîné ce n’est pas seulement une place dans la fratrie, c’est souvent un appel spirituel. On peut être plus jeune en âge mais être l’aîné selon l’esprit.
Puis il termine sa vidéo par la question suivante Es-tu un premier-né spirituel dans ta famille ?
Cet extrait vidéo m’a donné matière à réflexion et pour la suite de cet article où je vous parlerai du rôle de Soeur de famille sous le prisme de la psychogénéalogie et de la spiritualité.
@douma_les_palabreuses I Thérapeute en psychogénéalogie et analyse transgénérationnelle