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Une rencontre inattendue - Chronique #2 ADT

Une rencontre inattendue

Attention : Cet article aborde des sujets sensibles liés aux abus sexuel, ce qui peut déclencher des émotions fortes et potentiellement perturber. Nous recommandons la prudence et la sensibilité lors de la lecture.

J'ai 24 ans. Me voilà mariée à un homme exceptionnel. Il n'est pas simplement beau, intelligent et drôle. Il est par-dessus tout humain. Lui, ce n'est pas uniquement mon mari. Il est aussi ce père protecteur, cette mère aimante, et enfin ce pote à l'écoute. Il représente tout ce qui m'a fait défaut dans mon enfance. Il m'aime malgré mon passé d'abus. Me le prouve à chaque instant. M'élève en public. Me guide et conseille en privée.


Et pourtant, il est sénégalais comme moi. Qui l'aurait cru ? Ces derniers sont connus pour leur attachement à la virginité, donc au mythe du saignement à la nuit de noces. C'est le symbole de la femme parfaite à marier. Malheur à celle dont le drap blanc ne sera pas tâché de sang, l'unique preuve de sa virginité. Quelle honte pour sa famille. Quelle honte pour sa mère censée lui inculquer les bonnes valeurs.


Oui, je parle encore de virginité. Le sujet m'obsède. Me terrifie à la veille de mon mariage. Je ne sais pas si je vais saigner, la première fois. La vraie cette fois-ci. Celle désirée et consentie. Ne pas saigner, c'est ma hantise. J'ai encore espoir, même après ma chute, même après cette agression sexuelle.


J'ai un besoin viscéral de prouver ma virginité. Surtout après cette phrase de la gynécologique,  « votre nièce est toujours vierge », en s'adressant à mon oncle. "Vierge", le mot magique. Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi, il a fallu que je subisse cette agression pour l'entendre ? D'ailleurs, l'objectif de cette consultation gynécologique, une première pour moi, était de constater le viol, pas ma virginité, suite à une plainte contre le marabout violeur. Car au soir même des faits, j'ai douté de la véracité de ses dires. Le lendemain, je décide de tout raconter à Maman. Sa seule préoccupation était de savoir si j’étais enceinte. Me concernant, ma préoccupation était de savoir comment justifier cet abus sexuel à mon futur mari.

Puis je me suis résignée à l'idée que je ne serai jamais aimée. Me marier, fonder une famille, ce schéma classique n’effleure guère mon esprit. À cet instant précis, j'ai 16 ans et je décide de faire de mes études ma priorité, mon autonomie, particulièrement celle financière, ma délivrance.


À la fin de mes études supérieures, je décroche le stage dont j'ai toujours rêvé. Au même moment, je fais une rencontre inattendu avec un bel homme qui me parle d'amour, de projet de vie, de cheminer ensemble vers l'avenir. Mais j'ai si peur de m'engager. Cela ne fait pas partie de mes plans. Et puis, cette accumulation de bonnes nouvelles qui présage un avenir prometteur aussi bien professionnellement que sentimentalement, ne me réjouis guère. Au contraire, elle me fait plonger dans une profonde dépression.


Le mariage me fait repenser aux abus sexuels dont j’ai été victime pendant mon enfance. C’est la raison pour laquelle je prends la tangente dès qu’un homme m’avoue ses sentiments. Je suis pas encore prête pour en parler. C’est aussi un moyen pour moi de préserver ma santé mentale. D’ailleurs, j’observe des phases dépressives, à chaque étape importante de ma vie : l’entrée dans la vie professionnelle, le mariage, la maternité.

A bientôt pour la prochaine chronique ...

Signé : ADT