20 Jun
5
min de lecture

Le don d'ovocytes chez les noirs


On partage pas un peu ?

Cette semaine, un nouvel épisode du podcast est sorti, en partenariat avec l'Agence de la Biomédecine. C'est notre deuxième collaboration 🙌🏾


Vous pourrez découvrir le parcours de don de Néné.

🙋🏾‍♀️ Néné est une trentenaire qui travaille dans le domaine du luxe. Elle s'est toujours intéressée aux différentes manières de faire famille et est consciente de l'infertilité présente au sein des populations afro-descendantes.

👉🏾 Issue d'une famille de professionnels de la santé, il y a 5 ans, elle fait un vœu : permettre à une personne de devenir maman.

👉🏾 De nature curieuse, elle se lance dans quelques recherches et en quelques clics prend rdv dans un centre de don proche de chez elle.

👉🏾 Aujourd’hui, maman adoptive d’une petite fille, elle revient sur son parcours de don d'ovocytes. Et surtout elle nous explique comment s'est passé le processus de don et pourquoi elle a décidé de faire ce don alors qu'elle n’avait pas d’enfant à l'époque.

A l'occasion de la sortie de cet épisode, rien de mieux qu'un article sur le sujet.


Le don d'ovocytes est un des moyens qui permettrait à des couples de devenir parent. C'est un geste qui s'inscrit directement dans la justice reproductive. Quand je parle de don d'ovocytes, j'entend souvent : "c'est un geste très louable mais perso je ne pourrai pas ..."


Dans cet article je vous partage mes réflexions qui pourraient expliquer ce manque d'intérêt pour le don, mais d'abord posons le cadre.


Comprendre l'AMP

L’assistance médicale à la procréation (AMP), ou la procréation médicalement assistée (PMA), consiste à manipuler un ovule et/ou un spermatozoïde pour favoriser l’obtention d’une grossesse.

Cette pratique clinique et biologique a pour but de permettre à un couple infertile d’avoir un enfant. Aujourd’hui, un couple sur cinq aurait recours à l’AMP dans le cadre d’une infertilité.

D'après l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche), en France, en 2015, 3,1% des enfants sont nés grâce à une AMP, soit une naissance sur 32 environ.

Si les premières inséminations artificielles remontent au 19e siècle, le premier enfant conçu par fécondation in vitro en France est né en 1982. Depuis, les techniques d’AMP ne cessent de s’améliorer, avec une augmentation des taux de succès.


Comprendre le don d'ovocytes

Le don d’ovocytes a été introduit dans la pratique en 1984-1985 et a vu son exercice encadré par les recommandations du CCNE dès 1989, préconisant les principes de gratuité, anonymat, volontariat du don par un couple qui a des enfants pour un couple infertile, puis légalisé par les lois de bioéthique de 1994, révisées en 2004 et 2011.

Il se base sur les mêmes principes éthiques que ceux appliqués pour le don du sang, à savoir la gratuité, l’anonymat et le volontariat.

En France, il y a actuellement d’importantes difficultés de recrutement des donneuses. Cette pénurie d’ovocytes entraîne de longs délais d’attente pour les couples ou personnes receveuses. Ces difficultés d’accès aux soins et de prise en charge poussent beaucoup d’entre eux à recourir à des soins transfrontaliers dans des pays où le cadre législatif est moins restrictif et l’offre plus importante.

Après la révision de la loi en 2011, le nombre de donneuses n'a pas forcément augmenté. Les donneuses spontanées sans enfants ont certes été plus nombreuses cependant le nombre de femmes déjà mères à lui étonnamment baissé.

Le 2 août 2021, la loi de bioéthique a ouvert la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules.

Elle prévoit également la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes auprès des enfants nés de PMA, à leur majorité. Cette mesure a pris effet le 1er septembre 2022.


Un nombre faible de donneuses de manière générale donc encore moins chez les noirs

« L’attente pour l’accès à un don d’ovocytes est plus longue pour les couples noirs, ce qui retarde la prise en charge de ces patients » d'après le professeur Nathalie Rives, présidente de la Fédération des Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos).


De manière générale les donneuses spontanées sont rares. La plupart des donneuses avouent avoir effectué cette démarche pour aider une parente ou une amie, spontanément après avoir écouté, compati à leurs difficultés à concevoir et compris en quoi consistait le don, mais qu’auparavant, elles ne connaissaient pas ce type d’AMP. Certaines auraient effectué cette démarche antérieurement, sans sollicitation, si l’information leur avait été délivrée. Les dons occasionnels, au cours d’une intervention chirurgicale ou d’une FIV chez les femmes déjà mères sont plus qu’exceptionnelles. La principale source de recrutement demeure relationnelle, un couple receveur motivant un couple donneur.

Avoir plus de dons d'ovocytes permettrait de réduire les listes d'attente et ainsi rendre l'accès au don pour toutes. Les personnes qui ne peuvent recevoir de don en France sont contraintes de le faire à l'étranger ce qui implique des coûts. Se pose alors la question de : qui à les moyens de faire un don à l'étranger ? Car au-delà des soins il faut payer les trajets, l'hôtels, les repas, les absences au travail (donc avoir un job flexible).


Le tabou autour de l'infertilité influence celui sur le don d'ovocytes

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit l'infertilité par l'absence de grossesse après plus de 12 mois de rapports sexuels réguliers sans contraception.

Ainsi, l'infertilité est à différencier de la stérilité, qui, elle est définie par l'incapacité totale pour un couple d'obtenir un enfant.

Le don d'ovocytes est intimement lié à l'infertilité. Or chez les communautés noires l'infertilité est tout simplement un sujet tabou. Une personne infertile ne va pas facilement partager son vécu et ce de peur d'être jugée. Souvent, on associe l'infertilité à une malédiction au sein du couple.

Autre point à relever, l'infertilité est quasi impensable dans l'inconscient collectif "car les noirs auraient beaucoup d'enfants".

Ces deux arguments expliquent par ailleurs le manque de dons d'ovocytes au sein des communautés noires. Faire un don pour aider un couple infertile à avoir un enfant, implique que l'on soit sensible au sujet de l'infertilité. D'ailleurs, Sandrine nous parle de son infertilité dans la saison 2 du podcast.


Une volonté de preserver les gènes de sa famille

Une des phrases que j'entends quand je demande à une personne pourquoi elle ne veut pas faire de don c'est le fait de ne pas avoir envie de voir leurs gènes "répandus" un peu partout dans la nature. Il y a une forte volonté pour bon nombre de femmes avec qui j'ai échangé, de preserver le patrimoine génétique de sa famille. C'est un argument que je peux entendre cependant si un don peut aider une personne à devenir parent je me dis que ça peut en vouloir la peine.


Vers plus d'informations

En France, il existait une réticence éthique à solliciter directement les donneuses. C’est pourquoi les campagnes de recrutement étaient interdites. Ce manque d’information a longtemps nuit au don et pénalisait lourdement les centres français.

Aujourd'hui, l'Agence de la Biomédecine lance de plus en plus de campagnes de sensibilisation au don d'ovocytes. En 2022, on a recensé 990 donneuses contre 836 en 2019, une légère hausse.


Pour en savoir plus :

- voici le parcours du don en 5 étapes

-  le site de sensibilisation.


Prête à faire un don d'ovocytes ?