Ce livre est clairement mon roman coup de cœur du mois. Je l'ai reçu comme cadeau d'anniversaire et j'ai profité du confinement pour le lire, merci Adora :) Je peux vous dire que ce fut une agréable surprise ! Avant de vous faire part de mes points d'attention, contextualisons l'histoire. Nous sommes au Nigéria des années 80. Deux personnages principaux : Yejide et son mari Akin. Ils sont fous amoureux mais n'ont pas d'enfants ce qui déplait à la belle-mère de Yejide qui veut absolument que son fils aîné ait une descendance. C'est alors que commence une quête de la maternité / parentalité.
Désir de maternité obsessionnel
Dans le Nigéria des années 80 une femme se doit de faire des enfants si elle veut être respectée. Avoir un enfant est un moyen d'assurer la lignée d'une famille ainsi tous les moyens sont bons pour y arriver. A cela s'ajoute le fait que Yejide n'a jamais eu de famille. Sa mère meurt en couche la laissant avec son père et ses belles-mères qui l'écarteront telle une paria. Le père pensant que c'est de sa faute que sa femme est morte en couche et ses belles-mères pensant qu'elle devait être traitée comme une étrangère.
Alors lorsqu'elle se marie et comprend qu'elle doit être mère. Non seulement elle subit la pression familiale mais c'est aussi un moyen pour elle de fonder une vraie famille. Entre médecins, marabout et décoctions de la belle-mère, Yejide use de tous les moyens pour être enceinte.
"Parfois, je me disais qu'on avait des enfants parce qu'on voulait laisser derrière soi quelqu'un qui puisse expliquer qui nous étions une fois que nous serions plus là."
Ce désir devient alors obsessionnel et Yejide vit alors ce qu'on appelle une grossesse nerveuse. La grossesse nerveuse est un trouble psychologique qui survient chez certaines femmes, parfois des jeunes femmes, mais également et surtout, chez des femmes plus âgées. Ces dernières sont en fait persuadées d’être enceintes alors que ce n’est pas le cas : il s'agit ainsi d'une "grossesse imaginaire", donc sans embryon. En effet, aucune fécondation n’a eu lieu, et cela bien qu’elles présentent tous les symptômes laissant penser à une grossesse.
Infertilité de l'homme jamais remise en question
On parle d’infertilité en cas d’absence de grossesse malgré des rapports sexuels non protégés pendant une période d’au moins 12 mois. Dans trois quarts des cas, l’infertilité est soit d’origine masculine, soit féminine, soit elle associe les deux sexes. Dans le livre, l'infertilité de son mari Akin n'est jamais questionnée. Ni Yejide ni sa belle-mère ne blâment Akin. La faute est obligatoirement celle de Yejide. D'ailleurs, la première solution apportée par la belle-mère est de proposer une seconde épouse à Akin. Par ailleurs, jamais Akin ne se dit explicitement que c'est de sa faute qu'ils n'ont pas eu d'enfants. Cette histoire nous rappelle encore une fois que nous devons arrêter de croire que la femme est majoritairement à l'origine de l'infertilité.
Mort subite du nourrisson
La mort subite du nourrisson (MSN) est le décès brutal et inattendu d’un bébé qui semble en bonne santé. Ce décès se déroule dans le sommeil de l’enfant. L’enfant est couché normalement dans son lit puis retrouvé mort quelques heures plus tard. Le premier enfant de Yejide et Akin meurt soudainement alors qu'elle dormait. Ce sujet n'est pas abordé tel quel dans le livre. Aucun deuil n'est réellement fait par la famille comme si le fait de ne pas avoir vécu plus longtemps était lié a l'enfant maudit. Les superstitions de la belle-famille prennent le dessus, ne permettant pas à Yejide de faire son deuil.
Drépanocytose
Le deuxième enfant de Yejide et Akin est atteint de drépanocytose, maladie qui est abordée en filigrane. La drépanocytose est apparue indépendamment en Afrique et en Inde. On la rencontre aussi en Italie du Sud, en Grèce, dans le Proche-Orient, aux Antilles et au Brésil. La drépanocytose, aussi appelée anémie falciforme, est une maladie héréditaire touchant l'hémoglobine des globules rouges. Il en résulte plusieurs symptômes caractéristiques de la maladie dont les plus courants sont une anémie chronique, des crises douloureuses vaso-occlusives et une sensibilité plus importante aux infections. La drépanocytose de l'enfant est ce qui fait réaliser au lecteur que cet enfant n'est pas celui d'Akin. En effet, seule Yejide est porteuse de cette anomalie, Akin ne l'est pas. On découvre alors que tous les enfants de Yejide sont en réalité ceux de son frère.
Adultère
Cette histoire d'adultère entre Yejide et son beau-frère m'a tout d'abord paru immorale car coucher avec son beau-frère est tout simplement impensable et inadmissible. Mais quelle fût ma surprise quand j'ai compris que tout cela était tout simplement un coup monté d'Akin. Conscient de son infertilité, il demande à son frère de coucher avec Yejide afin de l'enceinter. Quelle horreur, quelle plan immorale ! Oui, mais cela nous montre à quel point cette pression de parentalité peut pousser une personne à avoir un enfant. Au lieu d'informer sa compagne de son infertilité, il préfère laisser sa mère lui imposer une seconde épouse, laisser sa femme subir sa grossesse nerveuse et laisser son mariage se déliter. Oui cette pression à faire des enfants détruit des couples. Fous amoureux Yejide et Akin vont s'éloigner à cause de cette quête de parentalité. J'ai adoré ce livre car il met en lumière plusieurs sujets qui touchent encore nos communautés africaines. L'histoire d'amour de Yejide et Akin m'a beaucoup plu et l'histoire politique du Nigéria en filigrane a bien été posée dans le décor.

Adebayo, qui a 29 ans, est une auteure exceptionnelle. Elle écrit non seulement avec une grâce extraordinaire mais aussi avec une sagesse authentique sur l'amour et la perte et sur la possibilité de rédemption. Je vous recommande ce roman : Reste avec moi, Ayobami Adebayo aux éditions Charleston.