Merci à Sabrina pour la retranscription de l'épisode !

Lien vers l'épisode : Sabrina, child-free et féministe décoloniale
Tsippora : Vous écoutez TQJSN, le podcast qui s’interroge sur le désir et non désir d’enfant des femmes noires. Je suis Tsippora, et cet épisode fait partie d’une série sur le non-désir d’enfant. Pour ceux qui ne le savent pas, je ne veux pas d’enfant, c’est un choix que j’assume depuis mon adolescence, et c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle j’ai créé ce podcast. J’ai toujours voulu créer une série d’épisodes où je donnerai la parole à plusieurs child-free de toutes origines ethniques. Pour ouvrir le bal, je reçois Sabrina, du compte Instagram Sabrina likes to read. Je l’ai connu via le Collectif Féministe Décolonial Spicy Devis.
Je la laisse se présenter avec ses propres mots.
Bonne écoute !
Sabrina : Bonjour, je m’appelle Sabrina, j’ai 29 ans, et je fais partie du collectif féministe sud asiatique décoloniale Spicy Devis. Je m’identifie comme une personne child-free pour le moment.
Tsippora : Est-ce que tu peux nous parler de ton expérience personnelle en tant que child-free ?
Sabrina : Quand je dis que je ne veux pas avoir d’enfants, les gens sont assez choqués. Et même, je me souviens d’une soirée où je suis partie en furie, enfin, je suis partie en claquant la porte parce que j’étais entourée de trois mecs, où je disais que je ne voulais pas avoir d’enfant, et ils continuaient à insister sur le fait que j’allais en vouloir, que c’était une phase, que c’était normale, enfin que c’était obligé que j’allais vouloir avoir un enfant à un certain moment. Et, même si je leur ai répété mes arguments, bah en fait, ils ne pouvaient pas accepter que je ne veuille pas d’enfants.
Tsippora : Maintenant je voudrais savoir à quel moment exactement, en tout cas si tu as une idée, de quand tu as commencé à assumer ce choix ?
Sabrina : J’ai assumé ce choix très très vite je crois. J’ai conceptualisé ça à l’âge de ... je pense … franchement, j’étais adolescente mais j’ai commencé à réfléchir plus clairement à l’âge de 20 ans.
Et une personne de ma famille qui a plus de 40 ans aujourd’hui, femme, qui n’est pas mariée et qui n’a pas d’enfants, et je voyais qu’il y avait beaucoup de personnes autour de nous, notamment des femmes, qui lui mettaient la pression en mode, tu te maries quand, t’auras des enfants quand ? C’est pas normal ! Et en fait, pour être tout à fait honnête, toute ma vie j’ai vu cette tante vivre sa meilleure life, elle voyageait partout dans le monde, elle faisait du roller à Cambridge, elle avait une vie hyper cool. En fait pour moi depuis très jeune c’était la meuf cool, et en plus elle n’avait pas d’enfants, et toutes les personnes autour de moi qui avaient des enfants, des femmes, elles avaient l’air fatiguées, dépitées de la vie, donc je pense que très jeune j’ai eu ce modèle de personne qui était child free. Et, vu que c’était une impression très positive, c’est resté avec moi et je me suis dit que je voulais être cette meuf, qui voyage partout, qui est libre, qui peut faire ce qu’elle veut, donc cette impression est restée avec moi.
Tsippora : Tu fais partie des Spicy Devis, et tu es féministe décoloniale. Je ne sais pas vous, mais, après la publication du dernier rapport du GIEC, je suis tombée sur des articles, notamment des articles sur l’éco natalisme, et il y a un article qui m’a assez frappé, un article de Caroline Fourest, qui s’intitule : “Le Tabou de l’écologie - nous sommes trop nombreux sur terre.” Dans cet article, elle défend l’anti-natalisme, et le contrôle des corps. Je pense que, vu que nous sommes sur TQJSN, de quels corps il s’agit, et à quels corps elle se réfère dans cet article - des corps racisés. Ma question que j’ai pour toi Sabrina c’est de savoir comment tu te positionnes par rapport à cette manie de contrôler les naissances de personnes racisées, sachant que tu es toi même child-free ?
Sabrina : Je sais que la natalité est une question politique, c’est vrai, parce qu’il y a des politiques qui ont été mises en place pour empêcher certaines femmes, des femmes racisées d’avoir des enfants, un contrôle des naissances. Il y a toute une stigmatisation sur des populations du continent africain, sur le fait qu’ils produisent beaucoup de gosses, donc ils sont responsables du fait que la terre soit sur peuplée, etc, et effectivement je ne cautionne pas du tout cas. Encore une fois, la natalité est politique. Quand on essaie de contrôler les naissances, comme la France a pu le faire sur les ventres de femmes à La Réunion, comme les colons l’ont fait dans plusieurs pays - je pense notamment au Canada, comment ils ont détruit les vies des peuples, mères et enfants autochtones. Et c’est pour ça que j’essaie, quand je dis que je suis child-free, de dire que c’est quelque chose de personnel, mais je ne pense clairement pas qu’il faut … que réduire le nombre de naissances sur terre va nous aider à réduire les émissions. J’ai une vision beaucoup plus globale et systémique là-dessus - si les industriels arrêtaient de polluer, si on les taxait, si les riches payaient leur part d’impôts et leurs contributions, on serait mieux au niveau du climate change. Donc oui ce sont vraiment des questions qui me stressent - quand on dit qu’on est child-free, et que les gens disent : “ah oui c’est bien parce que quand on voit comment les gens font en Inde, ou en Afrique-” (oui, parce que l’Afrique, c’est un pays).
Donc voilà, c’est vrai que ça me stresse.
Tsippora : As-tu une, ou plusieurs recommandations ou ressources qui te paraissent utiles pour t’éduquer (films, livres, comptes Insta) on est toutes preneuses de tes recos.
Sabrina : En termes de ressources je peux citer un podcast, Les Pieds sur Terre, je me souviens plus du nom de l’épisode mais ça doit se retrouver facilement (mal de mère(s)), et sinon c’est le fait de m’entourer de personnes qui sont aussi child-free, ou qui n’ont pas d’enfants, et qui je vois sont en train de vivre leur vies, qui vivent leurs meilleures vies, enfin moi ça m’aide à mieux appréhender le fait que je sois child-free pour le reste de ma vie, et de ne pas utiliser l’adoption comme une solution de dernière étape en me disant que bon si jamais je veux pas d’enfants, j’adopte - non en fait si je ne veux pas d’enfants, je ne veux pas d’enfants et puis c’est tout quoi.
Tsippora : Alors avant que tu nous quittes, j’aimerais que tu puisses nous dire ce que tu penses du terme “child-free”, et quel serait pour toi le mot de la fin ?
Sabrina : Je soutiens énormément le terme “child-free” parce qu’en en anglais on disait aussi “childless”, ça dénote le fait d’être moindre, de manquer de quelque chose si on n’a pas d’enfants, et moi je veux juste - c'est comme l’autonomie de notre propre corps, le contrôle qu’on a de soi en tant que femme. J’aimerais juste qu’on me laisse, qu’on nous foute la paix. Si on ne veut pas d’enfant, on ne veut pas d’enfant. Si on en veut et ben on veut des enfants. Et on est pas là à commenter la fertilité des gens. Je trouve ça tellement horrible de poser cette question :”est-ce que tu veux des enfants ?” On ne sait pas ce que la personne en face a subi, elle a eu des fausses couches, ou si elle ne veut pas des enfants pour des raisons qui lui sont propres, ou des raisons traumatisantes, ou juste on ne veut pas d’enfants parce qu’on veut rester seule à manger des céréales le dimanche en s’étant réveillée à 15h avec une gueule de bois. En fait, tout le monde a ses raisons et toutes les raisons sont valides, il faut juste apprendre à respecter les gens et leurs boundaries.
Tsippora : Je remercie Sabrina pour cette belle contribution. Merci à Agnès pour l’illustration, et merci à Aldric pour le montage. N’hésitez pas à partager autour de vous, à laisser une pluie d’étoiles sur Apple Podcasts, et surtout n’oubliez pas de respecter le choix de toutes les femmes, qu’elles veulent ou ne veulent pas d’enfants.
À bientôt pour un nouvel épisode !
Merci à Sabrina pour la retranscription de l'épisode !