Retranscription Partie 3 - Normaliser les récits
Intro podcast
Tsippora: [00:00:00] Douceur, émotion, coconing sont des mots que vous utilisez pour décrire votre mood quand vous écoutez Tant que je serai noire. Si vous êtes à cours d'infusion, de chocolat ou de miel pour vous mettre encore plus dans ce mood, faites un tour sur l'e-shop tant que je serai noire, vous pourrez soutenir le média et des marques portées par des femmes inspirantes.
Sharone: Je ne veux pas peut-être faire d'enfants parce que ce n'est pas quelque chose que je sens dans ma chair.
Ambre: Je sais pertinemment qu'aujourd'hui, à 31 ans, je ne veux pas, mais j'ai peur du réveil plus tard. S'il y en a un.
Axelle Jah Njiké: Le sentiment que j'ai toujours eu c'est que quand j'aurais 20 ans, j'aurais une fille, je l'appellerai Margaux.
Amandine Gay: Par contre, je n'avais aucune intention de porter un enfant et qui là maintenant est d'autant plus officiel que j'ai donc subi une hystérectomie...
Renée Greusard: Je peux en parler parce que je suis enceinte d'un deuxième enfant. Mais ça a été très compliqué en fait de réfléchir ce désir. Il y a cette idée qu'une famille idéale c'est deux enfants.
Intro épisode
Tsippora: Je suis Tsippora host du podcast Tant que je serai noire, serai-je mère ? Le podcast qui invite anonymes, psys et militant·es à s'interroger sur le désir ou non désir d'enfant.
Le 14 novembre 2022, l'association Boitaqueer nous a accueilli à la galerie du Montparnasse dans le cadre du Festival des fiertés.
Merci à l'association Boitaqueer, et plus précisément à Julianna pour l'invitation et l'organisation. Nous avons fait un enregistrement live sur les parentalités queer et noire en France.
Lors de mes recherches pour préparer l'épisode, je suis tombée essentiellement sur des ressources anglophones. Et là, en fait, je me suis dit qu'il était temps d'amplifier les voix sur le sujet en France.
Et pour cela, j'ai reçu à mon micro Audrey et Kouéton.
Dans cette troisième partie, nous avons parlé du rapport aux autres et la volonté de normaliser les histoires de parents queer et noirs.
Début épisode
Tsippora:
Là, j'ai une question du coup sur les clichés. Et notamment le fait ...donc là c'est pour toi Audrey, que du coup, en tant que parents queer, t'as un peu aussi ...ce... je reviens à ce terme: double peine. Je ne sais pas si il y a un autre terme mais euh, tu dois montrer que tu es une bonne mère parce que déjà tu es une maman noire et en plus t'es potentiellement vu comme une maman queer donc il y a ce double cliché de va-t-elle pouvoir s'occuper de ses enfants du fait de sa double identité.
Est ce que tu es d'accord avec le fait que tu as dû peut-être dans ta vie? Prouver plus que d'autres femmes? Le fait que tu étais une bonne mère, en fait, si on peut encore dire bonne mère parce que ce qui est une bonne mère ?
Audrey: Je pense que c'est un peu croisé parce que, je pense qu'avant d'être parent queer, j'ai d'abord été un parent mono- parental est déjà voilà c'est c'est un peu compliqué. Donc je pense que ma première expérience parentale elle a été quand même pas mal jonchée de ouais donc de ces stéréotypes auprès de la fille qui a un enfant, la fille qui a eu un enfant jeune, la fille qui élève son enfant toute seule. Et puis, pendant une longue période comme ça se passait super mal avec le père de mon fils.
J'ai ...mon fils est parti vivre avec son père. Donc là j'étais la maman qui avait abandonné son fils, qui vit sa vie, qui profite et qui s'occupe de son enfant. Donc ouais, c'est ...et puis les gens ne sont pas gentils en fait, tu vois, ils connaissent pas ta réalité, il te juge et euh c'est un peu compliqué.
Mais bon, je pense que ce qui m'a sauvé, c'est que j'étais toujours, j'ai toujours été très sûr de mes choix.
[00:04:00]
J'ai toujours été droite dans mes bottes, dans les choix que je faisais et pourquoi je les avais fait. Et à partir du moment où je me suis dit : "Euh, je n'ai rien à prouver à personne", c'était fuck quoi, tu vois la plupart du temps.
Parce que en fait, déjà, c'était pas les gens qui travaillaient pour moi, c'est pas les gens qui me donnait à manger, c'est pas les gens non plus qui s'occupait de mon fils. Donc, tu vois. Donc on va dire que la première partie c'était ça. Et puis en fait j'ai eu ma fille et je pense que je me suis outée plus ou moins à ce moment là .
La difficulté, c'était de savoir... en fait savoir où se outer en fait. Auprès de qui ? Voilà, donc, parce que je pense qu'il faut se protéger aussi et protéger son enfant. Ma fille est scolarisée . Elle est dans une école privée, catholique et je pense que je suis là ...une des ...je pense que je suis la seule maman solo de l'école, la seule maman solo noire. Et j'ai pas envie non plus de rajouter cette étiquette de la maman solo, noire et lesbienne.
Donc j'ai décidé d'une certaine manière de... je ne mens pas, tu vois. Mais, parce que j'ai ma vie sentimentale qui est là aussi et c'est vrai qu'il y a des cercles, il y a des endroits où effectivement, je ne parle pas de ma vie privée, tu vois. Et parce que je veux préserver aussi ma fille.
Et puis, je me dis que j'ai envie de la protéger des regards, des jugements que peuvent avoir les autres sur elle. Et surtout, je me pose la question de savoir :qu'est ce qu'elle entend que enfant de maman lesbienne, quelle sera son expérience en fait parce qu'il y a ça aussi, tu vois ? Il faut aussi donner le micro aussi aux enfants.
Quelle est leur expérience d'avoir des parents qui ont une vie, on va dire pas majoritaire dans la société et je pense que c'est mon devoir en tant que parent c'est de la protéger de ça. Donc sans mentir, ,sans travestir aussi ce que je suis. On est vraiment chez moi. On est dans une, dans une transparence. Voilà.
Mais voilà, il y a des endroits où effectivement, je veux la préserver parce que c'est elle qui va à l'école. C'est elle qui est en contact avec les enfants, des familles. Et donc je fais très attention parce que je n'ai pas envie non plus que ça soit son fardeau, en fait, tu vois et je dois la protéger.
Donc donc voilà, après, aujourd'hui, je pense que l'expérience de la vie m'a renforcé et toutes les ...tout l'imaginaire que les gens peuvent me renvoyer, je me dis qu'aujourd'hui, c'est plus leur insécurité, leur ignorance, leur phobie qu'il reverse sur moi. Moi, ça va très bien en fait. Donc ...
Tsippora: C'est une très belle philosophie.
J'espère que ça va permettre à certains de garder cette note quelque part. Quand, voilà, il y a des attaques qui viennent de l'extérieur et moi je voulais rebondir sur ...tu parlais tout à l'heure du fait que c'était quelque chose d'intime. Est ce que tu estimes qu'être du coup une maman lesbienne, noire, c'est aussi politique ?
Audrey: Malgré moi. Oui, je deviens un sujet politique parce que la société a décidé que les personnes comme moi étaient, et devaient porter un étendard particulier parce qu'on serait soi-disant, pas dans une norme. Donc oui, je deviens un individu politique dans la façon dont je mène ma vie, dont j'élève mes enfants, dont je conçois en fait mes relations.
Donc oui, par ouais, par défaut ou je n'ai pas le choix de que d'être dans ces... dans cette identité. Et puis, ça a été renforcée par le fait que, c'est vrai que quand je regarde autour de moi, il y a très peu de personnes, en tout cas en France, qui sont visibles et qui vivent dans les mêmes dynamiques familiales que les miennes et donc pour moi c'est intéressant de pouvoir normaliser, en fait. Tu vois... comme je disais tout à l'heure, c'est montrer que c'est possible en fait. Il n'y a pas plus de difficultés qu'autre chose, qu'on peut être très heureux, très heureuse en fait et qu'on a une vie normale, en fait on travaille, on élève, nos enfants, on mange, on sort. Enfin y'a rien, pour moi c'est pas plus exceptionnel que ça en fait, tu vois ?
[00:09:00]
Donc ouai il y a une normalisation en fait de ma situation, je trouve. Je pense que ça, c'est important. En fait, au-delà même de la représentation, parce que je pense que les représentations sont importantes et elles sont aussi importantes. Mais elles sont aussi fantasmer en fait. Et c'est pour ça que je parle de normalisation parce que moi, je ne vis pas dans un rêve et j'ai envie de... quand je parle de ma vie, j'en parle de façon telle qu'elle est en fait tu vois. Et même quand je communique sur les réseaux, je ne suis pas dans un truc scénarisées autour de ...tu vois. Je veux vraiment normaliser le fait que voilà, y'a rien de ...normal quoi. Non pas plus tu vois, pas plus, je ne me sens pas spéciale que ça. Je me trouve dans une normalité peut-être la mienne, mais dans une normalité quoi.
Tsippora: Et merci pour ça. Je pense que tu dois avoir plein de messages de personnes qui te remercient.
[00:10:00]
Audrey: Oui oui, c'est vrai que sur mon profil, j'ai pas mal de personnes qui sont des femmes, en particulier, qui me parlent et qui me disent que ...elle parlent de courage. Mais ... bon, j'ai un peu du mal avec ce mot-là parce que pour moi ce n'est pas du courage. Mais ouais, qui qui me remercient de montrer qu'effectivement c'est possible. C'est possible.
Kouéton: C'est pas du courage pour toi mais pour des personnes qui sont dans des situations.
Audrey: Oui.
Kouéton: Où elles sont ...disons moins en confiance que toi sur certaines choses, pour elles, c'est ce que tu considères comme étant : "ça va de soi". Pour elles, c'est du courage.
Audrey: Oui, après, c'est vrai que ça n'a pas été évident.
Je veux dire euh, j'ai fait mon coming out, assez tard. J'avais deux enfants et quand je l'ai annoncé à certains membres de ma famille, même ma mère, il y avait des réticences. Genre très, très fortes en fait. Et à ces personnes, je leur ai dit mais en fait vous voulez pas que je sois heureuse, en fait ? Tu préfères que je sois avec un homme qui me bat.
[00:11:00]
Et puis, j'ai une vie en fait normal, je ne comprenais pas en fait la difficulté de ...ouais, pourquoi en fait. Pourquoi je n'ai pas le droit en fait, tu vois ? Et, je