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Azani : naissance, renaissance et descendance

Dernière mise à jour : 17 janv. 2021


Peux-tu te présenter ?


Je suis une jeune femme cisgenre franco-congolaise, née en France. Je suis comédienne, poète, chercheuse, j’aime fabriquer des choses avec mes mains et mon esprit.


Azani, c’est mon troisième prénom, un prénom dont ma mère ne connaissait pas la puissance en me le donnant. Depuis la terre ancestrale d’Azanie jusqu’au Panafricanist Congress of Azania, Azani c’est l’histoire une renaissance — je viens juste de naître.

As-tu un désir ou non-désir d'enfant ?


Depuis que je suis petite je rêve d’avoir des enfants. Je harcelais ma mère pour avoir un p’tit frère ou une p’tite soeur. Je voulais voir un bébé naître. Des ventres grossir. D’abord l’acte physique m’a fascinée. La capacité d’extension du corps. La cohabitation de deux âmes sous un toit. L’accouchement, le déchirement, la puissance. La douleur. Les fluides.


Puis j’ai grandi, je me suis construite et j’ai mis ce désir un peu sur le côté, comme une idée qu’on range dans un tiroir qu’on n’ouvre plus trop. Adolescente je me suis découverte pas hétérosexuelle, puis je me suis décidée féministe. Je veux être hors du régime de domination des hommes cis. Difficile alors d’envisager avoir des enfants. Penser à fonder un foyer, à ce moment-là pour moi c’est dire d’accord à la domination masculine et aux valeurs bourgeoises judéo-chrétiennes. Et ça c’est dead. Plus la pression sociale, les tantes et les mères qui projettent, qui immiscent leurs mains sur ton ventre en imaginant l’embryon qui s’y trouvera « bientôt », puis mais en fait pourquoi je veux devenir mère ? Et les règles qui font mal, et l’idée que ton corps va être défoncé après, que ce ne sera plus qu’une vieille chaussette usagée, etcætera, etcætera.

Par saph Luccas

Être queer et avoir une famille, c’est impossible : nous ne faisons pas dans la reproduction sociale. Nous serons donc des sans descendance.


Bla bla bla.


Puis on fait une ou deux belles rencontres. En l’occurence, une. Un garçon, un homme trans, qui devient mon amoureux. Un partenaire de rêves et d’imaginaire puissant, une relation passionnée et fantasque. Et une envie de couple, de mariage, d’enfants, de famille, qui me prend à la gorge comme un songe refoulé.


Et imaginer. Une PMA ? Une adoption ? Comment les faire, ces bébés ? Qui les portera ? Tes ovules ou mes ovules ? Pourquoi ? Mais il paraît que maintenant, on peut fusionner deux ovules ! Mais est-ce que c’est possible en France ? Comment élever nos enfants ? Dans quel pays ? Pourquoi ? Avec quel argent ? Avec qui ? Quelles valeurs leur transmettre ?


Afrodescendante, afroascendante.


C’est me comprendre afro qui m’a permis d’accepter ce désir. Fonder une famille c’est résister. Exister pour ce que nous sommes c’est résister. Une famille queer et noire qui existe telle qu’elle est et pour ce qu’elle est, et qui fonctionne en dehors du paradigme qu’on a tenté de lui imposer. Car nous transcendons, nous dépassons, nous existons au-delà du chemin qui nous est continuellement réservé car il est simplement bien trop étroit pour contenir la puissance de nos songes.


Qui est ta chanteuse afro-descendante préférée ?


- Meryl pour le queer love

- Miriam Makeba pour la force intarissable

- Aya Nakamura, pour la badassitude de la go qui a un enfant et qui parle de relations amoureuses et de sexualité dans ses albums.


Qui est ton personnage de fiction qui embrasse son choix de maternité ?


Le personnage de fiction qui embrasse un désir proche du mien, je ne l’ai pas encore rencontré. Il va falloir les écrire ces personnages… C’est aussi pour ça que j’ai eu du mal à me dire « c’est possible pour moi ». Nos représentations on doit les chercher.


Maintenant j’en ai un peu plus grâce à instagram, via des comptes comme celui de Shane’a Thomas @drkchocolatnoir, Tiq Milan @themistermilan (et notamment son TedTalk “A Queer Vision of Love and Marriage”), @godxnoirphiles, ou @matergouinite. D’ailleurs si les abonnés de Tantquejeserainoire en connaissent d’autres, réels ou fictionnels, je suis preneuse…


Comment cette phrase terminerait-elle : Tant que je serai noire,…


Là ça devient un peu plus compliqué, parce que je ne peux pas dire “je suis noire”.


Je ne suis pas toujours vue comme noire. En France on me dit “métisse”, “des îles”. Il y a cette idée que les afrodescendants clairs de peau sont forcément de parents noirs et blancs, et qu’ils viennent forcément de la Caraïbe ou de l’Océan indien, des (ex)colonies françaises quoi. Mais quand je vais aux États-Unis, là où je fais mes études, comme l’histoire est différente, je suis vue comme “Black”, ou pire “African-American”, alors que je ne fais pas partie cette culture, je ne la connais pas.


De l’intérieur, je ne m’identifie pas vraiment comme noire. Afrodescendante, oui, ça a du sens pour moi, c’est un héritage culturel, spirituel qui me correspond. Noire, ça renvoie à ma racialisation, comment je suis perçue socialement. Et ça, ça change en fonction des pays et des personnes, et je ne vois pas tellement l’intérêt de me rattacher à un stigmate vieux comme les conquêtes coloniales. Afrodescendante, ça m’appartient, ce mot est long et compliqué, il est souligné en rouge par le correcteur automatique, ça fait buger son système, il ne comprend pas où je suis et moi je suis libre comme l’air. Ça dit d’où je descends mais pas où je vais.


Mais politiquement, ça me semble important de se réapproprier ce stigmate. ‘Noir.e’ c’est un mot qui divise mais aussi qui rassemble. Alors je suis noire pour me rassembler et lutter avec d’autres.


Donc pour faire court, tant que je serai noire, je lutterai aux côtés de mes adelphes pour ne plus l’être.


Merci Azani pour ce très beau texte :)


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